L’enfant au fond du jardin

Il y’a maintenant plus d’un an, nos chemins se séparaient avec une personne qui m’était chère. Je reprenais goût à la vie, ressentais des choses qui ne s’étaient pas manifestées depuis longtemps et accédais à une douceur dont j’ignorais l’existence. L’arrêt brutal de ce chemin m’avait laissé terrifiée. Non pas du fait de ne plus l’avoir à mes côtés mais du lieu où je me trouvais désormais.

I. La cave

De nombreux textes non publiés dorment dans mon ordinateur et l’un d’eux parle de cet endroit, de ce chemin. Enveloppée de ce nouveau bonheur naissant, je constatait en parallèle le développement et la guérison de certains aspects de moi. Jusqu’à ce lieu. Il m’avait aidée à descendre jusqu’à cette grotte du fond de mon être. Ce lieu de soi que l’on ne veut pas ouvrir, comme une vieille cave terrifiante. Sans m’en rendre compte, il m’y avait conduit et nos chemins se séparaient alors que je me trouvais devant cette porte et qu’il me fallait l’ouvrir, moi, toute seule. Ses mains se sont retirées de ma vie au moment du clic de la poignée. La panique. La peur. Celles de se retrouver seule face à ce lieu.

Chaque rencontre, chaque relation a une raison d’être dans notre vie. Toutes ne sont pas faites pour durer et peu importe leur forme et les circonstances de séparation, elles ont une clef à nous donner.

J’ai donc ouvert la porte. Au début c’était froid et humide, j’y ai vu des chauves souris en sortir. Et puis elle a séché. Je l’ai laissé ouverte pour lui laisser le temps de prendre le soleil. J’ai toujours eu peur du vide, mais je ne savais pas que je pouvais avoir peur de certaines parties en moi de peur d’y rencontrer du vide. Alors au début j’avais peur de lâcher, peur de regarder. Et lorsque je l’ai fait, le brouillard s’est dissipé et j’y ai vu un jardin. Un grand jardin florissant et la vie est revenue. J’ai été capable de ressentir de la joie, de la vraie, celle d’être en vie pour la première fois de ma vie et je me suis sentie vivante et j’ai réalisé à quel point je revenais de loin.

II. Le jardin

Le chemin a continué. De nouvelles portes se sont ouvertes et la vie en moi fait des allers retours. Je la laisse circuler jusqu’à ce qu’elle décide de se fixer et que les temps de vide deviennent des cas exceptionnels, que la vie devienne la norme de mon être. Alors que je me promène dans ce jardin, que j’apprends à y naviguer, à le connaître et à l’aimer, de nouvelles parties de moi se révèlent. J’apprends à les regarder, à écouter ce qu’elles disent et à les laisser prendre leur place.

Mais voilà. Plus mes parties s’accordaient et se révélaient, plus l’équilibre et la vision s’agrandissaient, plus j’ai commencé à entendre une petite voix au loin. Une toute petite voix apeurée, qui panique, et qui cherche à avertir tout le monde qu’il faut se cacher pour survivre. Je l’ai entendu. Je sentais que je la connaissais mais sans la percevoir réellement et je ne comprenais pas pourquoi elle criait alors que la paix s’installait. J’ai cru qu’elle passerait en trouvant sa place dans ce mouvement interne. Et puis, en voyant tout le monde s’installer, j’ai constaté que quelque chose clochait, que quelqu’un manquait. Quelqu’un qui m’empêchait d’être pleinement en moi et de voir correctement.

III. L’escalier

Plus le temps passait, plus cette partie a commencé à se manifester. Elle réagissait vraiment fort à divers évènements. Et dans le jardin j’ai alors trouvé un escalier. Celui de mon enfance. Il n’avait rien à avoir avec un joli toboggan. C’était un vieil escalier en métal froid, noir, rouillé, en colimaçon, caché très très loin sous un buisson. Et les souvenirs de cette enfance que j’avais oublié ont commencé à ressurgir car mon enfant criait.

Face à lui, l’adulte que je suis désormais ne sait pas comment l’aborder. Parce qu’en réalité l’adulte a peur. Il n’a pas peur de l’enfant, mais il a peur de ce que l’enfant porte ; car guérir et grandir ce n’est pas ne rien ressentir.

C’est prendre pleinement conscience de l’ampleur de la souffrance et de l’anormalité de certaines choses subies et les confronter à la fois en tant qu’adulte et enfant que l’on a été.

C’est aussi prendre la responsabilité de sécuriser cet enfant en tant qu’adulte quand ceux dont c’était le rôle à l’époque n’ont pas su le faire ; et c’est restituer à chacun le rôle et la responsabilité qui lui incombe et décharger les autres.

Marion

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